© Maison Chavin

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Sans alcool,
la fête est plus folle ?

Dérèglement climatique, changement des modes de consommation, surproduction, concurrence grandissante d’autres boissons… De nombreux facteurs poussent les producteurs à se lancer dans le marché du vin désalcoolisé.

La désalcoolisation du vin, comment ça marche ?

La désalcoolisation du vin n’est pas une mince affaire car il faut éliminer l’alcool tout en conservant les composés aromatiques qui donnent au vin toute sa saveur. Il existe trois techniques : l’évaporation sous vide repose sur le principe que l’alcool a une température d’évaporation inférieure à celle de l’eau. En chauffant le vin sous vide, l’alcool est extrait tout en préservant les arômes du vin. L’osmose inverse permet de diviser le vin en deux flux (l’un en alcool et l’autre en eau et composés aromatiques. Par la suite, l’alcool est éliminé du premier flux et les deux flux sont à nouveau mélangés). Enfin, la distillation consiste à extraire les arômes volatils du vin lors d’une première distillation, puis l’alcool avant de réinjecter les arômes extraits dans le vin.

Un secteur en pleine croissance

Selon le cabinet américain Fact.MR, le marché mondial des vins sans alcool est aujourd’hui estimé à 1,85 milliard d’euros et pourrait atteindre les 4,8 milliards d’ici 2033 ! Chez le groupe Grands Chais de France par exemple, l’un des plus grands producteurs mondiaux de vins en volume, 3,5 millions d’euros ont été investis en 2021 dans une unité de désalcoolisation avec une production de 12 millions de bouteilles. Même logique du côté de Mathilde Boulachin, PDG de Pierre Chavin, qui déclare dans Challenges : « Nous réalisons 50 % de nos 13 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le vin désalcoolisé, un produit que nous exportons dans 67 pays ».

Un vin plus « inclusif »

« Le secteur du vin désalcoolisé permet de toucher un nouveau type de client, des personnes plus proches de leur corps, qui ne boivent pas du tout ou qui ne consomment pas pour des raisons religieuses », explique dans Le Figaro Fabrice Delaveau, directeur général du cabinet de conseil œnologique Michael Paetzold. D’après B&S Tech, ces nouveaux consommateurs sont principalement des femmes de 25 à 39 ans, des jeunes de 18 à 24 ans et des seniors partisans du « no alcohol » ou du « low alcohol » pour des raisons de santé, de goût ou de poids.

Une perception gustative différente

« Il faut, tout comme les boissons aromatisées à base de vin, l’envisager comme un autre produit et pas comme du vin », souligne le fondateur et dirigeant de Gueule de Joie Jean-Philippe Braud dans Challenges. En effet, la dégustation des vins sans alcool peut sembler, au départ, déroutante : l’alcool étant un exhausteur de goût et d’arômes, la texture et la longueur sont différentes en bouche. Toutefois, certains vins désalcoolisés comme le Riesling ou les vins pétillants retrouvent des sensations proches du vin classique grâce à l’ajout du CO2. « À travers l’histoire, le goût du vin a évolué et, à titre d’exemple, le vin des Romains n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Ce savoir-faire millénaire a toujours été associé à l’alcool mais le vin ne se résume pas à l’alcool qu’il contient », conclut dans Le Figaro le chef de cave de Kolonne Null Michael Worm.
Alors, prêts à passer le cap du sans alcool ?

Sources : « Une croissance de 10 % par an : le vin désalcoolisé, un marché que la France espère bien exploiter » (www.challenges.fr) ; « La Commission européenne encourage les producteurs à investir le marché du vin sans alcool » (www.euractiv.fr) ; « Comment le vin désalcoolisé est devenu un relais de croissance pour les vignerons face à la baisse de la consommation » (www.lefigaro.fr) ; « Une croissance de 10 % par an : le vin désalcoolisé, un marché que la France espère bien exploiter » de Guillaume Mollaret et « Engouement pour le dry january, essor des vins sans alcool… vers l’émergence d’un nouvel épicurisme ? – Communiqué de presse (17 décembre 2024).

Que dit la loi ?

En 2021, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un règlement (2117/2021) pour faire reconnaître ces produits avec deux nouvelles mentions : « vin désalcoolisé » (jusqu’à 0,5 % volume) et « vin partiellement désalcoolisé » (supérieur à 0,5 % volume). Inscrite dans la nouvelle Politique agricole commune (PAC) du 1er janvier 2023, cette règle interdit également la désalcoolisation totale aux vins d’appellation d’origine protégée (AOP ou IGP).

L’engouement pour le Dry January en France ne cesse de croître d’année en année au même titre que la consommation des vins sans alcool. Si nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux balbutiements, la révolution est bel et bien en marche, les changements de consommation sont profonds !

Mathilde Boulachin, CEO Chavin

© Soufiane Zaidi

Le Dry January, un mouvement qui a su trouver son public

Le Dry January ou « Janvier sobre / Défi de janvier » est un mouvement de santé publique, qui invite, sous forme de défi, à ne pas consommer d’alcool pendant toute la durée du mois de janvier, après les fêtes de fin d’année. Initialement, il a été lancé en Grande-Bretagne en 2013 par le réseau Alcohol Change UK. Il a fallu attendre 2020 pour que l’action soit introduite en France, portée par un collectif d’associations et d’acteurs de la santé.

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des participants au Dry January ont moins de 35 ans

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des Français ont déjà participé au Dry January (dont 2/3 ont tenu tout le mois)

* Étude en ligne réalisée par Consumer Science & Analytics (CSA) sur un échantillon de 1 008 Français âgés de 18 ans et plus, représentatif de la population nationale, du 7 au 17 octobre 2024.

Le vin sans alcool :
ils ont testé !

Professionnels, amateurs curieux d’expériences gustatives,
fraîchement séduits ou encore déçus…
Nos trois témoins vous disent tout sur
leur expérience avec le vin sans alcool.

© Rozenn Bernou

« L’accompagnement et la sélection des cavistes font toute la différence ! »

« Il y a cinq ans, j’ai remis en question ma consommation d’alcool et décidé de faire une pause de six mois. J’ai découvert les vins sans alcool proposés par certains cavistes : leurs conseils ont été précieux pour comprendre et apprécier ces alternatives de qualité. J’avais déjà testé un vin désalcoolisé en grande surface mais l’expérience m’avait laissée sur ma faim. Aujourd’hui, je mesure à quel point l’accompagnement et la sélection des cavistes font toute la différence. Depuis le Covid, je constate qu’il y a une vraie recherche de mieux-être. Contrairement à la croyance populaire, faire le choix du No low* n’empêche en rien de profiter des moments de convivialité ! »

* Les boissons sans alcool ou avec peu d’alcool.

© Antoine Durand

« Le rouge manquait de corps !»

« J’ai eu l’occasion de goûter un rosé et un rouge. Le rouge n’était pas bon du tout car il y avait ce côté piquette/acide derrière vraiment très désagréable au palais, et ça manquait cruellement de corps ! Le rosé, j’ai été déçu, ce n’était pas puissant du tout au niveau du goût et le vin était beaucoup trop liquide, il n’avait pas de tenue en bouche. Le visuel était prometteur mais le goût n’a hélas pas suivi. On sentait au goût qu’il manquait quelque chose, que l’alcool avait été enlevé mais que rien ne venait le remplacer, c’est surtout ça qui m’avait marqué. Le rosé frais, j’y retournerai peut-être si je trouvais un vin plus sucré ou fruité. Mais le rouge, certainement pas ! »

© Dafydd Sherwin-White

« Une alternative conviviale dont la qualité progresse»

« Passionnée de vin, j’ai ouvert ma cave 100 % sans alcool, Belles grappes, à Bordeaux. Le vin sans alcool a été une révélation. J’y ai vu une piste pour redynamiser le marché viticole bordelais. Agréable, fruité, léger… Il garde l’esprit du vin et séduit les curieux, les femmes enceintes ou les personnes souhaitant réduire leur consommation. Il ne le remplace pas mais offre une alternative conviviale lors de repas légers ou professionnels. La qualité et l’offre progressent, la demande aussi. Pétillants et blancs plaisent bien, les rouges sont plus complexes à élaborer. Les freins sont idéologiques ou liés à des attentes gustatives. L’erreur est de comparer avec du vin alcoolisé. Mais les vignerons y croient et soignent tout autant ces vins, dont ils sont fiers ! »